Professeur d’arts plastiques détachée dans un hôpital par l’Education nationale, Christine Géricot travaille depuis 1994 auprès d’enfants et d’adolescents atteints du cancer…
Je ne suis pas arrivée dans cet hôpital par hasard… Il y a en effet dans la vie des évènements tragiques qui nous amènent à la reconsidérer, qui nous font regarder ailleurs ou plus loin.
Professeur d’arts plastiques dans un collège à Bordeaux, j’aurais pu continuer cet enseignement traditionnel qui m’apportait toute satisfaction. La vie en a décidé autrement.
5 août 1985. Ma vie bascule. Une de mes filles âgée de 14 ans, tombe dans un coma profond à la suite d’un accident de voiture.
Le coma n’est pas la mort, il y a urgence, je dois me battre, redonner à mon enfant la force et le désir de rester, de ne pas s’abandonner. La faire basculer du côté de la vie.
C’est auprès d’elle, durant les six semaines de son coma, que j’ai pris conscience de la subtilité et de la force des liens qui nous unissaient; c’est durant les longs mois de sa rééducation, que j’ai découvert
le monde hospitalier, ses angoisses, ses attentes, et la solitude qui donnent cette terrible impression de vivre hors du temps, et de la vie. L’hôpital est un ghetto ouvert à tous : hommes, femmes et enfants de toutes confessions, jeunes et vieux, riches et pauvres. La maladie ne fait pas de ségrégation.
Nous sommes frères et sœurs dans la douleur. La maladie et la mort sont universelles.
Ainsi, malgré moi, j’avais ouvert une porte. Elle ne s’est jamais refermée.
Petit à petit, l’idée d’exercer en milieu hospitalier a fait son chemin. Je m’étais remise à peindre. Je sentais que je puisais mon énergie dans la création, j’y trouvais aussi l’apaisement qui m’était nécessaire dans le combat que je menais auprès de ma fille. Peindre, m’était devenu nécessaire.
Mais il m’a fallu une vraie rencontre, pour réaliser, que je pouvais peut-être enseigner et me rendre utile auprès d’enfants malades.
C’est le Professeur Jean Lemerle, chef de service de ce Département de pédiatrie, qui, fit rentrer les clowns à l’hôpital en 1992 ; ce fut une petite révolution, et si dans un premier temps cette agitation a pu surprendre et choquer, elle lui apparaissait comme quelque chose de très sain et de très vivant.
Il me reçut un jour avec une infinie gentillesse.
Je lui expose le plus simplement possible ce que je crois pouvoir faire dans un service comme le sien. Mon idée lui plaît. Mais l’hôpital ne peut pas me prendre en charge. En disponibilité de l’Education nationale, j’élabore un projet que je présente à la conseillère technique auprès du Ministre François Bayrou.
Deux mois plus tard, en septembre 1994, je suis mise à disposition à l’Institut Gustave-Roussy, pour un an, à titre d’ « expérience pilote ».
Je suis toujours là. »