
Cinq ans d’enquête au cœur d’une machine à produire l’erreur judiciaire.
Cinq ans d’enquête au cœur d’une machine à produire l’erreur judiciaire.
Au détour d’un portrait commandé par une revue judiciaire, Sophie Tardy-Joubert rencontre M• Étrillard, un avocat qui défend des centaines de clients accusés d’avoir « secoué » un bébé. La justice leur reproche d’avoir perdu patience et de lui avoir infligé des secousses d’avant en arrière d’une violence folle.
Il existe aux États-Unis des vidéos insoutenables de ces bébés martyrs, secoués par des nounous excédées. Certains examens radiologiques apporteraient la preuve de ces traitements criminels. En France, selon la Haute Autorité de santé, ce diagnostic est incontestable. Un signalement est alors fait aux services judiciaires: celles et ceux qui s’occupaient des enfants sont renvoyés devant les tribunaux correctionnels ou les cours d’assises.
Mais les clients de M. Étrillard clament leur innocence. Ce sont des parents exemplaires, des nounous ou des assistantes maternelles ayant eu une carrière sans tache. Et s’ils disaient vrai ?
Elle-même jeune mère, Sophie Tardy-Joubert assiste à des procès souvent à charge. Elle rencontre des familles brisées. Elle interroge des médecins qui dénoncent un consensus médical sans fondement scientifique solide. Si en Suède, notamment, la loi a évolué, en France, rien ne bouge. La mécanique judiciaire est implacable: les tenants du diagnostic infaillible sont à la fois les rédacteurs des Recommandations de la Haute Autorité de santé, les experts désignés par les tribunaux et ceux qui forment les magistrats. C’est un cercle vicieux.
Au terme d’une enquête hors norme de cinq ans, qui nous embarque comme un thriller, nous sommes saisis par le vertige du doute. Des dizaines d’hommes et de femmes sont-ils chaque année victimes d’erreurs judiciaires ?